De l’Iran à l’Arabie saoudite, quelles perspectives d'évolution pour la place des femmes ?
Article de Nael El Kihal et Clara Karouni. Ecrit en novembre 2022.
Mots clés : Iran, Arabie saoudite, Révolution islamique iranienne, Mahsa Amini, Émancipation, Révolution des femmes, Féminisme, Mohammed ben Salmane, Vision 2030, Wahhabisme, Charia, Police des mœurs, droits, libertés
« Zan, zendegi, azadi ! » آزادی زندگی زن, Femme, vie, liberté !, par ce slogan de colère scandé dans les rues d’Iran ces derniers mois, les manifestantes et manifestants protestent contre la crise économique aiguë touchant le pays mais aussi pour les droits des femmes. En effet, ces mouvements populaires se répandent dans le cadre d’une république théocratique islamique, instaurée par la révolution iranienne de 1979, au sein de laquelle de nombreuses mesures restreignant les libertés des femmes sont entreprises telles que l’obligation du port du voile ou encore la mise en place d’une police des mœurs veillant au respect de ladite loi. Depuis la mort brutale de la jeune étudiante iranienne Mahsa Amini le 16 septembre dernier, un cri de ralliement soutenu par une médiatisation internationale émane et s’oppose au régime autoritaire islamique iranien. Une prise de conscience mondiale des injustices politiques et sociales encore subies de nos jours par les femmes émerge. Femmes et hommes, adultes et jeunes, tous condamnent le recul du droit des femmes et dénoncent l’oppression et la brutalité du régime. La place des femmes dans les sociétés relève donc d’un enjeu contemporain majeur, notamment au sein des pays du golfe Arabo-Persique, pays davantage religieux et conservateurs. De fait, l’Arabie saoudite fait également face à l’émergence de multiples contestations et d’un mouvement féministe prônant les droits des femmes. Cependant, contrairement au régime iranien, le prince héritier Mohammed ben Salmane (MBS) témoigne sa volonté de moderniser le pays à travers l’éloignement du wahhabisme et l’adoption de mesures favorisant l’émancipation de la femme.
Ainsi, quelles sont les perspectives d’évolution de la place des femmes et de leurs droits dans le Golfe, en particulier en Iran et en Arabie Saoudite face au pouvoir politique en place ? Notre étude portera ainsi dans un premier temps sur une analyse de l’évolution des droits accordés aux femmes en Iran des années précédant la révolution à aujourd’hui, comparée dans un second temps à une analyse de la nouvelle place évolutive qu’occupe les femmes au sein de la société saoudienne.
L’Iran face à une « révolution des femmes »
En Iran, l’oppression et la domination sur les femmes se reflètent à travers des formes diverses et variées. Celles-ci sont institutionnalisées par le régime politique et deviennent dès lors systématiques. De telles mesures, allant de l’obligation du port du voile dès l’âge de sept ans à une discrimination en droit en matière de sécurité, d’emploi ou encore d’accès aux fonctions politiques, sont à l’origine des multiples mouvements populaires agitant le pays depuis près de huit semaines. En effet, à la suite de l’annonce de la mort de Mahsa Amini le 16 septembre trois jours après son arrestation par la police des mœurs pour « port de vêtements inappropriés », les manifestations dans les grandes villes se multiplient, et ce, tant à l’échelle nationale qu’à l’échelle internationale. Les Iraniennes sortent du silence et se révoltent pour leurs droits : elles brûlent leur foulard, coupent symboliquement leurs cheveux et appellent à plus de liberté. L’émergence de ce nouveau mouvement social, qualifié par ailleurs de « révolution des femmes » par l’écrivaine et militante politique iranienne Masih Alinejad [1], témoigne de la volonté des populations de mettre un terme à ce quotidien oppressif où la violence et la mort rôdent au tournant des rues.
Ainsi, en vue de cette étude sur ces agitations populaires actuelles tourmentant l’Iran, il conviendrait d’aborder la place des femmes dans la société iranienne prérévolutionnaire, soit d’avant 1979, et de comment celle-ci diffère de celle reconnue aujourd’hui dans la société iranienne contemporaine.
Le tournant de 1979
Dans la période précédant la révolution, les Iraniennes acquéraient des droits comme le faisaient les femmes dans d’autres régions du monde. Il y a 43 ans, les femmes s’habillaient comme elles l’entendaient et choisissaient de porter, ou non, le hijab. Elles étaient des millions à exercer une activité professionnelle, notamment en tant que juges, policières, fonctionnaires ou encore ambassadrices. L’année 1979 marque ainsi un tournant dans leur vie. Les acquis des femmes, sur le plan juridique et social, d’un demi-siècle de règne de la dynastie Pahlavi [2], sont remis en cause. Leurs droits sont restreints par l’État islamique iranien : la ségrégation des sexes est réinstaurée, l’âge légal du mariage est abaissé, le divorce devient exclusif au droit de l’homme et les femmes sont écartées des fonctions publiques. Alors qu’auparavant le système d’éducation nationale ne faisait aucune distinction entre garçons et filles, les étudiantes iraniennes se voient aujourd'hui refuser l'accès à près de 77 filières universitaires. Mais comment expliquer ce bouleversement majeur, cette régression dans l’avancée des droits des femmes ? Dès le lendemain de l’avènement de la République islamique en 1979, l’ayatollah Khomeini [3] instaure un climat de terreur dans l’espace public en adoptant des mesures restrictives à l’égard des femmes. Un code vestimentaire strict est imposé aux femmes et une police des mœurs[4] veillant au respect de la loi islamique est créée. Pour le pouvoir iranien, gouverner une société, c’est la réprimer. Ebrahim Raïssi, à la tête de l’Iran depuis 2021, culturellement ultra-conservateur, poursuit ce climat de terreur en renforçant considérablement la politique publique à l’encontre des femmes. La loi « sur le hijab et la chasteté du pays » initialement élaborée en 2005 est renforcée et strictement appliquée : le hijab doit désormais également couvrir le cou et les épaules et tout mauvais port du voile mènerait à de sévères répercussions. Ainsi, être « vue en public sans foulard est passible d’une arrestation, d’une peine de prison, de la flagellation ou d’une amende » [5], mesure qui coûtera la vie à Mahsa Amini, arrêtée par la police des mœurs pour une mèche de cheveux visible. En retrait de la société, les Iraniennes restent encore aujourd’hui les forces vives du pays et se battent pour la consécration de leurs droits.
Les femmes iraniennes : emblèmes, actrices et victimes des évolutions sociales d’un pays à l’histoire tourmentée
Au cours des dernières décennies, l’Iran a été à de multiples reprises tourmenté par d’intenses agitations populaires s’opposant aux diverses politiques économiques et sociales établies par le pouvoir. De fait, dès 1979, l’instauration de la République islamique entraîne l’émergence de nombreux mouvements sociaux menés par les femmes. Près de 4 000 personnes, majoritairement des intellectuelles, unissent dès lors leur voix pour revendiquer la consécration de leurs droits. Ainsi, bien que cela ne soit pas la première fois que les Iraniennes manifestent pour leurs libertés, les contestations actuelles perturbant le régime iranien témoignent d’une ampleur inédite. Ces dernières se distinguent donc des précédentes, et ce, notamment sur les plans de la durée et du soutien populaire. En effet, la société iranienne tout entière, de tout genre et de tout âge, persiste à défendre les droits des femmes. L’espace public est investi par les jeunes générations en quête de politiques davantage égalitaires et la République islamique iranienne se retrouve de plus en plus déstabilisée dans ses fondements. À la date du 13 novembre, près de 326 manifestants ont été tués dans la répression des mouvements et la justice iranienne aurait inculpé près de 800 personnes pour leur participation aux « récentes émeutes », qualifiées par ailleurs de « trouble à l’ordre public », de « propagande contre le régime », de « dégradation de biens
publics » ainsi que contraires à la « sécurité » du pays. Par ailleurs, les événements iraniens actuels sont également marqués par une forte couverture médiatique internationale. Les chaînes de télévisions, les journaux, les réseaux sociaux, tous témoignent de leur soutien envers le peuple iranien et des soulèvements protestant pour le droit des femmes émergent dans le monde entier. À la mort de Mahsa Amini, ce n’est pas seulement le recul du droit des femmes qui est condamné, c’est toute la brutalité d’un régime qui est dénoncée.
Iran et Arabie Saoudite, une situation similaire pour la place des femmes ?
La société iranienne connaît une évolution lente et discrète qui contribue à façonner le sort des femmes. Aujourd’hui, l’enjeu majeur demeure de définir la place des femmes tant dans la société iranienne contemporaine que dans l’ensemble des sociétés à l’échelle mondiale. L’Arabie Saoudite, pays conservateur et religieux du golfe Arabo-Persique, fait également face à l’émergence de multiples contestations et d’un mouvement féministe prônant les droits des femmes. Ce sont deux pays qui connaissent des contestations pour des raisons similaires, liées à l'émancipation des femmes ainsi qu’à la reconnaissance de leurs droits. Cependant, la finalité de ces contestations demeure bien différente entre l’Iran et l’Arabie Saoudite. notamment dû à l’ouverture politique différente entre ces deux pays. On observe alors davantage des acquis pour les femmes sous le pouvoir Mohammed Ben Salmane qu’en Iran.
L’Arabie Saoudite : un nouveau contexte politique favorable à l'émancipation des femmes
L’Arabie Saoudite est l’exemple même d’une société ultra-conservatrice où la religion est ancrée dans les rapports sociaux. L'histoire de l’Arabie Saoudite, terre des lieux saints, est intimement liée à l’islam. Le royaume des Saouds repose sur le pacte d’alliance avec le courant Wahhabisme de Mohammed Ben Abdelwahhad vers 1744 [6]. Depuis cette alliance, la maison des Saouds règne sur l’Arabie et en prend le contrôle total en 1932 avec la création de l’Arabie Saoudite. Cette monarchie est conservatrice et respecte les principes de l’islam. Alors, la société saoudienne est organisée par le patriarcat qui régit les rapports sociaux. Ainsi, les femmes n’ont guère de place pour s’affirmer et s'émanciper face à la rigidité du royaume. Leurs droits et libertés sont limités face à ceux des hommes. Or, l’arrivée au pouvoir en 2015 de Mohammed Ben Salmane, l’actuel Prince héritier du trône saoudien, bouleverse le conservatisme du royaume. Il souhaite mettre en place une politique de modernisation du Royaume Saoudien. L’objectif est de passer d’une société conservatrice, où les oulémas wahhabites ont de l’influence, à une société moderne, qui attirent les étrangers et leurs capitaux. Pour cela, cette modernisation passe par une nouvelle place des femmes. Une nouvelle place pour les Saoudiennes permettrait de donner une image progressiste à l’Arabie Saoudite qui cesserait d'être mal perçu par les occidentaux. C’est une des clés essentielles à la modernisation et à la nouvelle image que veut donner Mohammed Ben Salmane. Le Prince héritier a donc mis en place de nombreuses mesures pour assurer une certaine émancipation des femmes dans divers domaines, en conférant de nouveaux droits et libertés.
Mohammed Ben Salmane, garant de nouveaux droits pour les Saoudiennes
Depuis des décennies, la société saoudienne repose sur un modèle patriarcal qui confère moins de droits pour les femmes qui sont sous l'autorité des hommes. Cependant, l’arrivée au pouvoir de Mohammed Ben Salmane marque un tournant. Il attribue progressivement aux femmes de nouveaux droits, qui peuvent paraître insignifiants à travers le prisme de notre vision occidentale, mais qui sont pourtant révolutionnaires. Ainsi, des mesures marquantes ont été
adoptées. Depuis le 24 juin 2018, les Saoudiennes peuvent par exemple conduire [7]. Cette autorisation paraît décisoire, néanmoins, c'est une décision révolutionnaire. En 2018, l’Arabie Saoudite était le dernier pays dans le monde où elles ne pouvaient pas conduire. Cet acte illustre une véritable rupture avec le conservatisme saoudiens. Mais cette mesure n’a pas totalement été mise en place pour améliorer la vie des femmes, mais d’abord pour améliorer la situation économique, leitmotiv de la politique de MBS. C’est ce que déclare le prince saoudien Al-Walid ben Talal [8]. En effet, le fait que les femmes ne puissent pas conduire constituait une perte de temps et donc de richesse pour le royaume. Auparavant, si une femme voulait se déplacer, elle devait se payer un chauffeur ou son mari devait s’absenter du travail pour la conduire. Cela correspondait donc à une perte pour l’économie saoudienne qui se veut être en pleine croissance. On constate cependant que peu de femmes accèdent au droit de conduire dans cette société très conservatrice. C’est encore très mal vu pour une femme de conduire. De plus, elles restaient assujetties à la décision de leur tuteur masculin qui pouvait s’y opposer jusqu’en 2019. Or, cette année-là, le prince héritier met fin à la tutelle, qui obligeait les femmes à vivre selon les décisions d’un tuteur masculin [9]. Grâce à la fin de ce système, les femmes peuvent obtenir un passeport et voyager sans l’accord de leurs tuteurs. C’est un bouleversement qui peut enfin permettre à de nombreuses femmes de quitter l’Arabie Saoudite pour étudier. Elles peuvent également déclarer une naissance, divorcer ou avoir l'autorité parentale sur leurs enfants mineurs. Ces possibilités étaient inenvisageables auparavant. De plus, les femmes se libèrent du joug du mariage avec l'âge légal repoussé à 18 ans en 2019 [10]. Le mariage ne s’impose plus comme une norme absolue comme le montre Louis Blin puisque 43% des Saoudiennes de moins de 24 ans sont célibataires. On constate de plus en plus que les études passent avant le mariage chez les jeunes Saoudiennes.
Une nouvelle place des femmes dans l'économie saoudienne
MBS vise à augmenter la part des femmes dans la population active à travers le projet de Vision 2030. Cet ambitieux projet économique, pour assurer la transition économique de l'après pétrole, veut impliquer davantage les femmes dans la production économique. Elles permettraient d’abord d'accroître la population active qui travaille et donc créer des richesses. Mais elles permettent surtout de donner une image moderne de l’Arabie Saoudite au monde entier. MBS veut montrer que son pays s’est développé avec l'émergence des femmes dans l'économie. Cette image moderne est essentielle pour Riyad afin d’attirer des capitaux étrangers pour financer les grands projets. C’est le cas du projet NEOM. D’ailleurs, dans les publicités de promotion de ce projet [11], on aperçoit de nombreuses femmes. Or dans ces publicités, elles ne portent pas de hijab pour la grande majorité ! Ce sont des images étonnantes lorsqu’on parle d’un pays où le voile est obligatoire. Pourtant, c'est en parfait accord avec l’objectif du Prince héritier de créer une nouvelle image moderne. On y aperçoit alors des femmes épanouies, libres de toutes restrictions religieuses et sociales. Ceci s’explique par la nécessité de plaire aux étrangers pour attirer leurs capitaux, cruciaux aux investissements et financement de grands projets comme NEOM. Ainsi, bien que ce soit à des fins économiques pour assurer l’attractivité du royaume, MBS permet en théorie cette émancipation des femmes. Ainsi, on observe que la part des femmes dans la population active travaillant progresse de 19% en 2016 à 33% en 2020 comme l’affirme Louis Blin [12]. Cette augmentation reste faible, mais marque un changement puisque la part des femmes dans l'économie n’a jamais été importante. Jusqu'en 2012, elles ne pouvaient travailler que dans des métiers à l'abri des regards, dans des bureaux ou commerces. Cette augmentation de la part des femmes s'explique également par l'essoufflement de la rente pétrolière, qui confère suffisamment de richesse pour que les femmes restent au foyer. Or aujourd'hui, elles sont incitées à travailler pour subvenir aux besoins de leurs foyers avec leurs maris. Arnaud Lacheret [13] montre que les hommes laissent alors leurs femmes travailler pour subvenir à leurs besoins face à la diminution des aides du royaume à cause de ses difficultés économiques. Les femmes constituent un véritable levier pour le développement de l'économie
saoudienne, notamment dans les secteurs de la finance ou du tourisme. Elles permettent de créer davantage de richesse, pour ce royaume en plein développement. Ainsi, MBS a compris l'importance que les femmes peuvent avoir dans son développement économique. Ce dernier ne peut réussir sans le travail des femmes. MBS a pris en considération ce besoin et tend alors à intégrer de plus en plus les femmes dans l'économie du royaume.
Mais une trop faible ouverture politique
Bien que le régime de MBS confère aux femmes de nouveaux droits et libertés, sur le plan politique, les ouvertures sont quasiment inexistantes. Dans cette monarchie où les hommes n’ont pas leur mot à dire, il paraît évident que les femmes ont encore moins l’opportunité de s'exprimer. Très peu de femmes font de la politique. En 2019 fut par exemple nommée pour la première fois une femme ambassadrice en la personne de Rima Bint Bandar à Washington [14]. Or c’est une princesse qui vient de la famille royale. Une femme du peuple ne peut être nommée à un tel poste face au conservatisme du régime politique. Quelques femmes commencent à s’imposer et à être élues comme en 2020 avec la nomination de 13 femmes à la commission saoudienne des droits de la personne [15]. Cependant, cela reste trop peu et les affaires politiques du royaume sont entre les mains des hommes de la famille royale. Ainsi, lorsque des femmes veulent se prononcer politiquement et s’opposer au régime, elles encourent un risque considérable. C’est le cas des nombreuses femmes qui se sont mobilisés pour réclamer le droit de conduire. Or la répression de MBS fut forte. De nombreuses militantes furent arrêtées, emprisonnées et torturées pour avoir critiqué le régime. C’est le cas de Loujain al-Hathloul [16], emprisonnée de 2018 à 2021, pour terrorisme, selon le régime. Sa famille et des organismes pour les droits de l’homme affirment qu’elle a été torturée comme d’autres militantes. D’autres cas de telles répressions existent, comme à l’été 2022 avec la peine de 34 ans de prison pour Salma El-Chehab, jeune Saoudienne chiite, pour avoir publié des tweets contre le régime [17]. Alors, face à la répression du régime et l'impossibilité de s’exprimer, de nombreuses femmes quittent l’Arabie Saoudite comme le montre Hélène Coutard dans Les fugitives : partir ou mourir en Arabie Saoudite [18]. Elles quittent ce pays face à une immobilité du système politique face aux questions d'émancipation. À travers ces exils, elles cherchent à trouver des libertés et des droits qui n’existent pas dans ce système conservateur. Beaucoup de militantes politiques se réfugient alors dans les pays occidentaux, car leur vie est menacée par la monarchie.
Une politique de développement contradictoire ?
Alors que MBS se voit en grand réformateur et modernisateur de son pays, sa politique d’inclusion des femmes à des limites. On remarque qu’elles peuvent s’affirmer dans la sphère économique pour contribuer à la richesse du royaume, mais en aucun cas dans la sphère politique. Les affaires politiques restent aux mains du prince qui dirige alors d’une main de fer les changements de la société. Ce n’est pas au peuple d’imposer des changements, encore moins aux femmes, pour MBS. Si le prince veut moderniser et donner des droits comme la conduite, c’est lui seul qui le décidera et non sous la pression du peuple et des femmes comme en témoigne l’arrestation des militantes. Le Prince se veut modernisateur, mais sous la personne d’un despote éclairé. Pour MBS, le progrès et la modernisation doivent venir du haut et non du peuple, qui pourrait fragiliser la mainmise des Saouds en Arabie. Cette situation n’est pas près de changer puisque MBS sera roi à la mort de son père, malade. Alors le royaume a devant lui de longue d’année, annoncée comme marquante où la modernisation est le mot d'ordre. Mais au prix d’un pouvoir puissant et autoritaire qui contrôle toutes les actions du peuple et des femmes. Ces dernières ne pourront alors s'émanciper qu'au bon vouloir du prince.
Iran et Arabie Saoudite, une émancipation des femmes à la merci du pouvoir en place.
Ainsi, le Golfe est aujourd’hui marqué par de nombreux mouvements cherchant à libérer les femmes du joug du système patriarcal soumis par le pouvoir. De fait, cette prédominance du pouvoir se remarque tant en Iran, au travers de la répression violente des mouvements actuels en faveur de l’émancipation des femmes, qu’en Arabie Saoudite, avec peu de réformes en faveur de la place des femmes de 1932 à l'arrivée au pouvoir du prince héritier. Depuis Mohammad Ben Salmane, les acquis pour les femmes deviennent de plus en plus importants en Arabie Saoudite. Le pouvoir dispose ainsi de la main sur l’ouverture politique accordée aux femmes. De fait, les femmes peuvent s’avérer être impuissantes face à un pouvoir omnipotent disposant à lui seul des capacités pouvant modifier ces sociétés conservatrices. Cependant, comme étudié ci-dessus, les prémices d’une possible révolution survenant aujourd’hui en Iran témoignent de la possibilité pour un peuple, déterminé avec de fortes convictions, à réussir à faire chuter ce système et permettre une amélioration de la situation des femmes dans le Golfe. L’évolution de la place des femmes pourrait passer ainsi par la révolution par le peuple lorsque l'élite politique reste de marbre face à la situation des femmes.
Bibliographie :
1. Masih Alinejad (de son vrai nom Masoumeh Alinejad-Ghomi) dénonce la politique du voile dans le journal politique français Franc Tireur : elle encourage les Iraniennes à se dévoiler et notamment à se filmer lorsqu’elles sont arrêtées (#mycameraismyweapon)
2. La dynastie Pahlavi fait référence au régime politique sous l’Empire d’Iran de 1925 à 1979 dirigé par le shah Mohammad Reza Pahlavi (1919-1980). Ce dernier avait pour projet la modernisation du pays sur l’ensemble des domaines, et ce, sans prendre en considération les structures traditionnelles de la société.
3. Rouhollah Moussavi Khomeini (1902-1989), guide spirituel de la révolution islamique de 1979 renversant le shah Pahlavi. La République islamique est instaurée entraînant une profonde division au sein de la société iranienne débattant sur le futur du pays. 4. Officiellement appelée Gasht-e Ershad, la « patrouille d’orientation ».
5. Fait énoncé par le Comité de soutien aux droits de l’homme en Iran (CSDHI), comité fondé en 2004 pour la défense des droits de la population iranienne
6. Blin Louis. L’Arabie saoudite, de l’or noir à la mer Rouge. Paris : Éditions Eyrolles. 2021.
7. Bourdillon, Y. (2017, 28 septembre). LES FEMMES AU VOLANT EN ARABIE SAOUDITE. Les Echos. https://www.lesechos.fr/2017/09/les-femmes-au-volant-en-arabie-saoudite-177569
8. 24, F. (2017, 26 septembre). Arabie saoudite : le roi signe un décret autorisant les femmes à conduire. France 24. https://www.france24.com/fr/20170926-arabie-saoudite-roi-decret-femmes-autorisees-conduire-salman
9. Fouquet, C. (2019, août 3). Les Saoudiennes désormais libres de voyager sans l’autorisation d’un tuteur masculin. Les Echos. https://www.lesechos.fr/monde/afrique-moyen-orient/les-saoudiennes-desormais-libres-de-voyager-sans-lautorisation-dun-tuteur masculin-1122000
10. Blin Louis. L’Arabie saoudite, de l’or noir à la mer Rouge. Paris : Éditions Eyrolles. 2021.
11. https://www.neom.com/fr-fr
12. Blin Louis. L’Arabie saoudite, de l’or noir à la mer Rouge. Paris : Éditions Eyrolles. 2021.
13. Makooi, B. (2022, 22 février). En Arabie saoudite, les femmes à la conquête du marché du travail. France 24. https://www.france24.com/fr/moyen-orient/20220222-en-arabie-saoudite-les-femmes-%C3%A0-la-conqu%C3%AAte-du-march %C3%A9-du-travail
14. Bastien, Daniel. « ARABIE SAOUDITE : RIYAD nomme une femme ambassadrice aux Etats-Unis », Echos (Paris, France). 2019.
15. Blin Louis. L’Arabie saoudite, de l’or noir à la mer Rouge. Paris : Éditions Eyrolles. 2021.
16. AmnestyFrance. (s. d.-c). bonne nouvelle Arabie saoudite : Loujain al-Hathloul est enfin sortie de prison ! Amnesty France. https://www.amnesty.fr/liberte-d-expression/actualites/arabie-saoudite-loujain-al-hathloul-enfin-sortie-de-prison 17. AmnestyFrance. (s. d.-b). Agir Arabie saoudite : condamnée à 34 ans de prison pour des tweets. Amnesty France. https://www.amnesty.fr/liberte-d-expression/actualites/arabie-saoudite-salma-al-chehab-34-ans-de-prison
18. Coutard Hélène. Les fugitives : partir ou mourir en Arabie saoudite. Paris : Éditions du Seuil. 2021.