Enjeu Climatique en Arabie Saoudite
Article de Asya Yerlikaya, Mars 2024
Introduction :
Une grande majorité d’entre nous a déjà vu la publicité pour The Line, une ville immense construite dans le Nord-Ouest de l’Arabie Saoudite, un projet utopiste censé répondre aux enjeux climatiques. Répondre à ces besoins devient une urgence pour la pétro-monarchie qui risque de devenir inhabitable d'ici les années 2100. Le dérèglement climatique peut entraîner des conséquences désastreuses pour les individus. Pour beaucoup de spécialistes, dont le professeur Matthew F. McCabe, le docteur Mohammad Hejazi et le professeur Hylke Beck, l’Arabie Saoudite vivra une véritable crise existentielle dans les années à venir. En effet, le dérèglement climatique peut avoir des conséquences dévastatrices sur le pays, au point de le rendre inhabitable. Toutefois, l'Arabie saoudite se présente comme le deuxième producteur de pétrole dans le monde, derrière les États-Unis. Elle est donc à la fois responsable mais aussi victime du réchauffement climatique.
C’est pourquoi il est intéressant de comprendre les solutions présentées par le Royaume pour faire face à l'un de ces enjeux les plus essentiels pour son avenir. Après avoir identifié les enjeux, nous tenterons de comprendre les divers projets pour conclure sur leur potentiel échec.
I- QUELS ENJEUX ?
Il faut savoir dès le début que l’Arabie Saoudite fait partie de ces pays du Sud qui sont en danger imminent : le niveau de la mer augmente en même temps que les températures. Les tempêtes de sable et les cyclones se multiplient. De la même manière, la durée des canicules s’allonge. Entre 1986 et 2005, on note 16 jours de canicule ; on estime qu’en 2050, ce chiffre sera de 80 jours et de 100 jours en 2100. Ces études sont publiées par Climate Change qui comprend très facilement que le territoire est fragile. Il serait même dangereux de vivre en Arabie Saoudite où les conditions de vie sont très difficiles. Dans ce schéma précis, la demande en électricité risque d'augmenter en parallèle de l’utilisation des climatiseurs. un cercle vicieux est donc en train de s’installer.
Outre les catastrophes, le pays peut facilement se trouver en situation de stress hydrique. En 2019, 70 % de l’eau provient des usines de dessalement d’eau de mer, 24 % des nappes phréatiques non renouvelables et seulement 6 % de l’eau est renouvelable. En 2025, ce sera 95 % de l’eau qui proviendra des usines de dessalement, lesquelles sont énergivores. Ce n’est pas tout : les Saoudiens sont aussi plus consommateurs que le reste de la planète. Alors que la moyenne mondiale est de 137 L par jour et par habitant, elle est de 362 L par jour et par habitant en Arabie Saoudite. Les Saoudiens sont également loin d’atteindre les objectifs en matière d'émissions de carbone ; leur bilan carbone est 10 fois supérieur aux objectifs.
Les écosystèmes marins et terrestres représentent aussi un enjeu crucial pour l'Arabie Saoudite. La mer Rouge abrite un nombre considérable d'espèces qui pourraient être en danger dans les années à venir. Pour le site ultramarina : La Mer Rouge est la Mecque des plongeurs du monde entier. La surexploitation et la surpêche sont aussi des signaux alarmants pour l’environnement maritime qui, avec l’acidification des océans, pourraient provoquer des résultats beaucoup plus importants. Au même moment, les scientifiques alertent sur les conséquences d’El Niño.
Sur le plan terrestre, le docteur Mohammad Hejazi met en garde contre la désertification de certaines zones qui seront bientôt soumises à de fortes chaleurs. Certaines espèces pourraient être amenées à disparaître, ce qui pourrait engendrer beaucoup plus de déséquilibre. De la même manière, les agriculteurs se trouveront face à de grandes difficultés : réduction de la qualité et de la quantité du travail agricole. L’enjeu alimentaire se rattache aussi à un enjeu géopolitique et économique. L'Arabie Saoudite devra donc trouver des partenaires de confiance d’ici les prochaines années. Si plusieurs pays se retrouvent dans la même situation que le royaume, alors nous serions face à une hausse du prix des aliments.
Ce qui nous amène à parler de stabilité et de sécurité face aux mouvements migratoires qui peuvent apparaître. Il n’est pas impossible, voire très probable, qu’on puisse percevoir des migrations au sein de l’État et du monde arabe.
On ne peut pas parler non plus de l'Arabie Saoudite sans évoquer son aspect religieux. Le rapport du professeur Matthew F. McCabe, du docteur Mohammad Hejazi et du professeur Hylke Beck, évoque la crise existentielle que pourrait vivre la Mecque dans les années à venir. On voit un accroissement du nombre de pèlerins ; toutefois, les autorités signalent des risques importants pour la santé qui sont difficilement entendables pour certains religieux. Les conditions de vies pourraient ne plus permettre la vue humaine dans ces regions qui sont pourtant au coeur de l’Islam.
Enfin, son économie est rattachée à la rente pétrolière, représentant 60 % des recettes de l’État. Les prises de décisions écologiques sur le pétrole peuvent lui poser un problème. Toute la structure sociale peut être mise à mal. Le contrat social est permis seulement par la rente pétrolière. La montée des prix, la raréfaction de l’eau et des matières premières peuvent provoquer des crises multiples. S’il y a une crise écologique, économique, alors il y aura forcément une crise sociale. Le prince héritier veut absolument éviter cette situation qui risque de déstabiliser une nouvelle fois le royaume, son objectif étant d' éviter un semblable printemps arabe.
II- QUEL PROJET ?
Mais comment répondre à ces besoins qui ne cessent de croître ? MBS veut diversifier et changer le mode de vie de ses habitants pour éviter une crise énergétique et sociale. Le nom de ce grand projet est Neom. Il propose trois villes utopistes dans la province de Tabuk au Nord-Ouest.
« Aucune route, aucune voiture, aucune émission, THE LINE utilisera des énergies 100 % renouvelables et 95 % des terres seront préservées pour la nature. Contrairement aux villes traditionnelles, la santé et le bien-être des personnes passeront avant les transports et les infrastructures. À peine 200 mètres de large, mais 170 kilomètres de long et 500 mètres au-dessus du niveau de la mer. »
Neom a aussi conclu un accord avec Ewowa pour faire avancer la recherche sur l’eau zéro déchet. Il y a une réelle volonté d’investir dans les énergies renouvelables, dans le nucléaire. Chacune des trois villes pourra accueillir 1 million de personnes, voire 9 millions.
Oxagon devrait ouvrir ses portes d’ici l’année prochaine, une station balnéaire pour les milliardaires. L'Arabie Saoudite prévoit d’organiser les prochains Jeux asiatiques d’hiver en 2030 dans les montagnes de Trojana. On voit une volonté de révolutionner les modes de vie des plus riches, souvent jugés les plus pollueurs, par des pratiques qui changent seulement sur le plan énergétique.
Finalement, derrière tous ces projets, comme beaucoup de pays aujourd’hui, l'Arabie Saoudite vise à diversifier son économie, à investir dans les nouvelles innovations tout en participant aux politiques internationales et aux COP. L'Arabie Saoudite n’hésite pas à défendre son projet, comme nous l’avons récemment vu durant la COP 28. Si ce n’est son projet de grande envergure, l’Arabie Saoudite promet à l’échelle mondiale la réduction des émissions de gaz à effet de serre, voire à les supprimer entièrement. Encore une fois, à l’image du projet The Line, elle investit de manière assez importante dans les nouvelles technologies. Elle prévoit notamment la mise en place de CSC pour capter le CO2 de ces entreprises et ainsi annuler son bilan carbone.
Toujours dans sa grande vision de 2030, l'Arabie Saoudite souhaite aussi organiser l’Expo 2030 à Riyad. Pour cela, elle veut allier ses objectifs écologiques et géostratégiques. Elle signe symboliquement le Saudi Green Initiative pour décarboner les transports urbains, pour cela, elle investit 92 milliards de dollars. Sur le même plan, elle investit 1 milliard de dollars en Indonésie. L’annonce est réalisée lors de la COP 28 à Dubaï, avec notamment l’entreprise ACWA qui promet de développer l'hydrogène vert en Indonésie. L’hydrogène est aussi l'une des innovations majeures du Royaume d'Arabie.
III- Peut-on parler d’un échec dès le début ?
Plusieurs problèmes viennent s’opposer à la réussite de ces projets. Dans un premier temps, nous avons du mal à comprendre comment des stations balnéaires et des pistes de ski dans un pays du Moyen-Orient vont répondre aux besoins environnementaux. Certains journalistes, comme Antoine Vitkine, y voient une simple volonté de redorer le blason du pays. On peut parler d’un grand mouvement de greenwashing pour le prince héritier. Il y a une vaste stratégie de soft power pour convaincre la communauté internationale d’oublier les crimes et les erreurs diplomatiques du pays, notamment les meurtres de journalistes comme Khashoggi.
Parfois, nous avons aussi l’impression d’assister seulement à une démonstration de force de la part du royaume. Cette démonstration peut creuser les inégalités sociales au sein du pays sans accorder plus de liberté. Le prix exorbitant de 500 milliards de dollars pour le projet NEOM nous montre que nous sommes face à un projet beaucoup trop ambitieux qui ne verra sûrement pas le jour.
A côté, un bilan humain apparaît de plus en plus. Le pays est autocratique, 3 hommes de diverses tribus ont été déjà tués pour s’être opposés au projet The Line qui risque de détruire leur terre. On a aussi peur d’un deuxième Qatar où les travailleurs seront exploités sans passeport et salaire.
Au-delà du projet Neom, les autres projets pour réduire les émissions de gaz à effet de serre semblent ne pas être réels. Pour beaucoup de groupes écologiques, la question ne se pose plus : l’Arabie Saoudite tente simplement de créer un écran de fumée pour cacher la réalité, sans réelle concession. On ne semble pas voir une réelle prise de conscience.
MBS incite les entreprises avec des incitations fiscales et certains activistes écologiques critiquent l’efficacité des nouvelles innovations vertes. À côté, les exonérations d’impôts incitent les sociétés pendant 30 ans à s'installer à Riyad et produire. Aramco continue au même moment de s’imposer et de prendre de la place dans le commerce international. Elle réussit à acquérir une participation de 40 % dans le gaz et le pétrole au Pakistan.
Ainsi, il n’y a de réelle concession sur le mode de vie de ces habitants, de son économie et ni de sa propre famille. Les projets sont souvent jugés de factices même si on voit avec les technologies CSC une volonté de suivre la communauté scientifique du GIEC.
Conclusion :
L’Arabie Saoudite est donc à la fois consommatrice et victime d’un mode de vie luxueux dont elle a du mal à se défaire. Elle prend conscience du danger qu'il représente pour l'existence du pays et décide donc de faire confiance aux innovations. Critiquée par certains pour son greenwashing étatique et pour une diplomatie factice, elle tente de s’imposer sur la scène internationale, dans les discussions, tout en diversifiant aujourd’hui son économie et ses énergies.
Bibliographie :
MCCABE, Matthew, Mashael ALSHALAN, Mohamad HEJAZI, et al. Climate Futures Report: Saudi Arabia in a 3 degrees warmer world. [object Object]. 2023. En ligne : https://qrco.de/beQyof [consulté le 30 janvier 2024].
ORANGE, Martine. Avec difficulté, l’Opep sauve son unité de façade. 2023. En ligne : https://www.mediapart.fr/journal/economie-et-social/011223/avec-difficulte-l-opep-sauve-son-unite-de-facade [consulté le 30 janvier 2024].
HUNT, Kara. Prêt à être déployé : Comment l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis peuvent développer le captage et le stockage du carbone dans le Golfe. 2023. En ligne : https://www.catf.us/fr/2023/10/ready-deploy-how-saudi-arabia-united-arab-emirates-scale-up-carbon-capture-storage-gulf/ [consulté le 29 février 2024].
Faune sous-marine de la mer rouge - Voyages plongée Ultramarina. En ligne : https://ultramarina.com/voyage-plongee-mer-rouge/egypte/la-faune-sous-marine-de-la-mer-rouge#:~:text=En%20Mer%20Rouge%2C%20il%20existe%20une%20trentaine%20d’esp%C3%A8ces. [consulté le 29 février 2024].
« COP28 : l’Arabie saoudite adosse sa transition vers les énergies propres aux revenus des hydrocarbures », Le Monde.fr. 29 novembre 2023 . En ligne : https://www.lemonde.fr/planete/article/2023/11/29/cop28-l-arabie-saoudite-adosse-sa-transition-vers-les-energies-propres-aux-revenus-des-hydrocarbures_6202965_3244.html [consulté le 29 février 2024].
« COP26 : L’Arabie Saoudite, Ambition Ou Greenwashing ? | JAC ». 2021. En ligne : https://jac-asso.fr/cop26-larabie-saoudite-ambition-ou-greenwashing/ [consulté le 29 février 2024].
Saudi Arabia. En ligne : https://climateactiontracker.org/countries/saudi-arabia/ [consulté le 29 février 2024].