La Force Al-Qods : Projection de la Puissance Iranienne dans la Région
Article de Nassim El Amri, Janvier 2024
Dans un élan révolutionnaire, l'Ayatollah Khomeini proclamait : « Nous ne nous reposons pas jusqu'à ce que nous ayons exporté notre Révolution dans le monde entier, car l'Islam n'a pas de frontières. » Cette déclaration incarne l'esprit expansionniste et idéologique de l'Iran post-révolutionnaire, où la révolution, plus que le chiisme lui-même, devient le vecteur de la puissance perse retrouvée. Qassem Soleimani, écho de cette ambition, observait : « Nous assistons à l’exportation de la révolution islamique dans toute la région. De Bahreïn à l’Irak et à la Syrie, du Yémen à l’Afrique du Nord. » Ces paroles résonnent comme le reflet d'une stratégie géopolitique ambitieuse, où la Force Al-Qods, la “garde prétorienne de la Révolution” se positionne comme un instrument clé dans l'exportation du chiisme révolutionnaire, idéologie politique et religieuse qui a émergé en Iran durant la révolution iranienne de 1979. Il se distingue d’un chiisme traditionnel, simple pratique religieuse, par son accent sur l'activisme politique et la lutte armée pour la réalisation des objectifs politiques et religieux. Cette idéologie est étroitement liée à la figure de l'Ayatollah Khomeini, qui a prôné l'exportation de la révolution islamique au-delà des frontières iraniennes par une approche militante, cherchant à établir des gouvernements et des sociétés basés sur les principes chiites, souvent par des moyens directs et parfois conflictuels. Cette approche révolutionnaire est intimement liée à la doctrine du Wilayet Al Faqih ou la gouvernance du juriste, qui est un principe fondamental de l'ordre politique iranien post-révolutionnaire. Cette doctrine, qui confère aux religieux chiites une autorité politique et spirituelle suprême, façonne l'identité et la politique extérieure de l'Iran. Dans ce cadre, la Force Al-Qods, branche élite des Gardiens de la révolution islamique, devient le bras armé de cette vision, oeuvrant à étendre l'influence iranienne à travers la région MENA, non seulement par des moyens militaires mais aussi à travers des alliances stratégiques et un soutien aux mouvements alliés.
Historique et évolution de la Force Al-Qods
La Force Al-Qods, (en persan سپاه قدس sepāh-e qods), signifiant “Forces de Jérusalem” a été fondée deux ans après la fin de la guerre contre l’Irak (1980-1988), premièrement comme une unité d'intelligence spéciale. La Force Al-Qods a, dès lors, évolué pour devenir une branche indépendante centrée sur la libération des "terres musulmanes", en particulier Jérusalem devenant une unité d'élite du Corps des Gardiens de la révolution islamique en Iran, qualifiée par certains de “garde prétorienne du régime”. Cette branche de service indépendante du IRGC, composée des soldats les plus aguerris et aux moyens encore mystérieux, mais conséquents, est la mieux placée pour "exporter la révolution" et faire face à toute menace potentielle envers les intérêts nationaux et la survie du régime encerclé de toutes parts.
Concentrée sur les théâtres extérieurs, cette obscure force a joué un rôle crucial dans des conflits régionaux variés, allant de l'assistance aux Kurdes luttant contre Saddam Hussein à des opérations au Liban en soutien du Hezbollah, en Afghanistan et même en Bosnie.
Dès le début, la force est confiée à Ahmad Vahidi, un commandant militaire influent du Corps des Gardiens de la révolution islamique (IRGC) en Iran, expérimenté, stratège et soutenu par l’appareil religieux d’Etat. Sous la direction de Vahidi, la Force Al-Qods a été impliquée dans une multitude d'activités, notamment des assassinats politiques à l'étranger, seules ou en coordination avec le ministère du Renseignement et de la Sécurité (VEVAK). Vahidi a supervisé plusieurs de ces opérations jusqu'en 1997, tout en établissant plusieurs garnisons de l'IRGC chargées d'organiser des activités terroristes et d’exporter la révolution, en appui des supplétifs locaux, comme Imad Mughniyeh, haut commandant du Hezbollah, assassiné en 2008. Parmi celles-ci, la garnison Ramadan de l'IRGC a mené une partie des opérations terroristes de l'IRGC en dehors de l'Iran. Sous la direction de Vahidi, la Force Al-Qods a pu élargir son champ d'action, notamment au Liban en soutenant le groupe Hezbollah, en Syrie en soutenant la dictature d’Assad, et en Irak avec la création de milices, dont certaines sont aujourd’hui dans la coalition Hachd Al Chaabi. La Force Al-Qods a également été active au Yémen, en Afghanistan et dans la bande de Gaza, soutenant divers groupes militants et tentant d'étendre l'influence de l'Iran dans ces régions.
Une fois Vahidi nommé Ministre de la Défense, c’est au tour de Qassem Soleimani, de commander la Force Al Qods. Celui-ci était déjà reconnu comme un stratège et un tacticien hors pair, notamment par la CIA, et si Vahidi est considéré comme le “père” de la Force Al-Qods, Soleimani tient une place particulière de primus inter pares, au sein de la force armée. Sous la direction de Qassem Soleimani, et en corrélation avec une période de tensions accrues ou l’Iran est désigné comme membre de “L’Axe du Mal”, l’organisation a vu ses moyens décupler. La Force s’engage dans le conflit syrien et Qassem Soleimani signe son premier coup politique majeur, en coordonnant les milices chiites pro-gouvernementales en une coalition baptisée, les Forces de défense nationale, en 2012. Marque de son influence grandissante, il commande les 1700 hommes du Hezbollah à la bataille de Qousseir, assénant un coup majeur aux Forces Syriennes Libres. Suite à la chute de Mossoul en juin 2014, Soleimani a été rapidement envoyé en Irak, où il a déployé une diplomatie militaire habile, en travaillant étroitement avec les milices locales pour inverser le cours des conflits à Amerli, Al-Anbar, Baïji et Tikrit. Cette approche a non seulement renforcé l'influence de l'Iran dans ces zones, mais a également démontré son aptitude à soutenir des groupes alliés en entretenant une rhétorique religieuse mobilisatrice et entrant dans la stratégie du dit “Axe de la Résistance”. Parallèlement, en Syrie, Soleimani a joué un rôle clé dans la planification et l'exécution des opérations militaires, y compris la coordination avec la Russie pour l'intervention en Syrie en 2015. Ses actions sur les différents fronts, notamment à al-Eiss et Hama, et plus tard à Boukamal, ont souligné son rôle prépondérant dans le soutien au régime Assad. Soleimani a également exercé une influence considérable sur les opérations de sécurité intérieure en Irak, orchestrant des réponses aux manifestations antigouvernementales en 2019. L'implication des milices pro-iraniennes dans la répression de ces protestations indique un emploi stratégique de la force pour maintenir l'influence iranienne dans la région. L’ordre donné aux milices chiites d'attaquer des cibles américaines, en réponse aux troubles en Irak, révèle par ailleurs, une stratégie visant à rediriger la colère populaire vers des acteurs étrangers. Soleimani, en combinant diplomatie militaire, tactiques de guerre asymétriques, et relations stratégiques a permis à la Force Al-Qods de s’imposer comme acteur régional puissant et unificateur pour renforcer l'influence régionale de l'Iran et atteindre ses objectifs politiques. Son assassinat cependant, a marqué un coup d’arret puissant à cette stratégie. En effet, si l’Iran par les mobilisations populaires, a feint de l’ériger en martyr, tentant de capitaliser sur sa mort, la disparition d’un général talentueux et respecté des milices chiites est une perte stratégique considérable. La réputation de stratège et de dévoué qu’avait Soleimani était une composante clé de l’influence iranienne sur les proxys chiites de la région.
Sous le commandement actuel d'Ismaël Qaani, successeur de Qassem Soleimani, la Force Al-Qods continue d'étendre son influence, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de l'Iran. Le rôle prépondérant joué par Soleimani dans l'élaboration et l'exécution des stratégies de la Force Al-Qods a indéniablement façonné son approche actuelle. Cependant, la force rencontre des difficultés croissantes dues aux frappes ciblées et aux assassinats de commandants clés de ses forces satellites ou alliées, ce qui a un impact significatif sur sa capacité à opérer efficacement. Récemment, l’assassinat du numéro deux du Hamas, Saleh al-Arouri, dans la banlieue sud de Beyrouth est un exemple pertinent. Ces actions hostiles contre des membres clés de la Force Al-Qods et de leurs alliés ont un double effet. D'une part, elles perturbent les chaînes de commandement et les structures organisationnelles, entravant ainsi la mise en oeuvre de stratégies cohérentes et la réalisation d'opérations militaires et de renseignement. D'autre part, ces perturbations créent un environnement de méfiance et d'incertitude, potentiellement minant la morale et l'efficacité des troupes et des agents de la Force Al-Qods.
L'impact de la perte de commandants expérimentés ne se limite pas à un vide de leadership, il entraîne également une perte d'expertise institutionnelle et de relations personnelles établies, essentielles pour les opérations de la Force Al-Qods. Le remplacement de ces commandants nécessite non seulement la recherche de remplaçants compétents, mais aussi du temps pour que ces nouveaux leaders s'acclimatent et développent leurs propres réseaux et stratégies.
Analyse politico-stratégique :
De prime abord, il est important afin de bien comprendre l’action d’Al-Qods, de distinguer la stratégie de la tactique, d’un point de vue purement militaire. La distinction entre la tactique et la stratégie est fondamentale dans la compréhension des opérations militaires, notamment dans les forces terrestres. À l'échelon politique, il revient de décider de la paix ou de la guerre, de fixer les grandes orientations et d'autoriser les ressources nécessaires pour les militaires et les diplomates, établissant ainsi le cadre global dans lequel la stratégie et la tactique opèrent. La stratégie, relevant de l'échelon stratégique, implique une réflexion de haut niveau et des décisions à long terme pour gagner la guerre, planifiant et coordonnant les actions des forces militaires dans une perspective globale et à longue échelle temporelle. Cela inclut l'organisation des actions défensives et offensives à grande échelle. L'échelon opératif se charge de positionner les forces de manière à assurer un avantage initial avant la bataille, traduisant la stratégie en plans de campagne sur différents théâtres d'opérations. La tactique, quant à elle, relève de l'échelon tactique et se concentre sur des enjeux plus locaux et limités dans le temps, avec pour objectif de gagner des batailles spécifiques sur le terrain, en accord avec la stratégie globale et les plans opératifs. Enfin, l'échelon technique, aligné avec la tactique, s'attache à maximiser les effets des armes. Ainsi, la stratégie définit le cadre global et les objectifs à long terme, tandis que la tactique se focalise sur la réalisation concrète et immédiate de ces objectifs, avec une attention particulière aux détails et aux circonstances spécifiques du terrain.
Analyse stratégique :
Cette force spéciale, agissant dans l’ombre, bien que s'inscrivant dans la rhétorique de "l'exportation de la révolution" iranienne, aligne ses opérations sur les intérêts géostratégiques de l'Iran. Leur objectif stratégique principal guide toute leur action , la libération de "terres musulmanes", en particulier Jérusalem, d'où ils tirent leur nom. L’idéologie du “chiisme révolutionnaire” est mise au service d’un objectif stratégique supérieur, conformément aux théories militaires classiques. Un bon exemple de cette sujétion est mis en avant par la situation au Liban, avec le Hezbollah, qui s’aligne complètement avec Téhéran allant même jusqu’à envoyer leurs propres forces armées contre l’EI, sous commandement d’Al Qods.
Au niveau des effectifs, il est assez compliqué d’estimer la force réelle et les capacités de projection de la Force Al-Qods. Ses effectifs exacts ne sont pas publiquement divulgués, mais elle compte approximativement entre 5 000 et 15 000 hommes, avec des estimations spécifiques de 3 000 membres actifs en Syrie selon Bertrand Fourcade. Cette unité est une fraction d’élite des effectifs totaux des Gardiens de la révolution, qui varient entre 100 000 et 150 000 membres, un fond bien entendu mobilisable dans l’unité Al Qods en cas de crise majeure. Les Basij, qui sont des auxiliaires mobilisables, constituent environ 90 000 membres. Environ 2,3 % du PIB iranien est alloué aux Gardiens de la révolution, indiquant une possibilité d’investissements massifs pour soutenir les activités de la Force Al-Qods, et d’une logistique puissante dans la région, chose non-négligeable en cas de mutation des opérations vers un conflit longue durée, en profondeur, contre un acteur régional.
Sous le commandement de Soleimani, l'unité a été stratégiquement divisée en départements distincts basés sur les pays dans lesquels elle opérait, chacun ayant un commandant responsable uniquement devant lui. Il a également créé de nouvelles branches au sein de la force, notamment l'intelligence, la finance, la politique, le sabotage et les opérations spéciales, supervisées par un Conseil de Commandants dirigé par Soleimani. Ce Conseil est extrêmement influent sur les décisions, car composé des commandants des plus éminents, et les plus efficaces dans les opérations. La Force Al-Qods est active dans de nombreux pays et est organisée en huit directions différentes basées sur la localisation géographique, y compris les pays occidentaux, l'ancienne URSS, l'Irak, l'Iran, l'Afghanistan, le Pakistan, l'Inde, Israël, le Liban, la Jordanie, la Turquie, l'Afrique du Nord et la Péninsule arabique. Ces directions ont pu jouer un rôle notable dans divers conflits régionaux, comme en Syrie où elle a soutenu le régime de Bachar al-Assad, et en Irak où elle a influencé la politique et la sécurité, comme précisé auparavant, à l’aide des milices régionales ethniques. La mission de la Force Al-Qods s'étend bien sûr au-delà des opérations militaires traditionnelles. Elle comprend aussi des activités de renseignement, de soutien aux milices et mouvements alliés dans la région, et même des opérations de guerre économique et cybernétique.
Au niveau des moyens, l’unité spéciale à accès aux ressources des Gardiens de la Révolution: propres usines, filiales de banques, logements, logistique, et financements conséquents. Les usines et le marché international d’armes permettent de leur fournir un accès à un large éventail d'armes conventionnelles et non conventionnelles, y compris des missiles balistiques et des drones. Il est important de noter que des ressources supplémentaires sont obtenues par des activités telles que le trafic d'armes, de drogues et le soutien d'alliés régionaux.
Les armes tactiques dont ils disposent sont nombreuses. Des lanceurs spatiaux légers SLV, d’origine indiennes ainsi que des missiles Simorgh nouvelle génération, constituant une capacité de frappe pouvant notamment frapper Tel-Aviv, et en nombre. Un exemple récent d’utilisation de ces missiles, a été la réponse iranienne à l’attentat sur la tombe de Qassem Soleimani, le 16 janvier 2024, où “des cibles terroristes ont été frappées en Irak et en Syrie”.
Maintenant, il nous faut aborder la doctrine militaire de la Force Al-Qods. Celle-ci s’articule autour de plusieurs paramètres et éléments tactiques clés. La Force Al-Qods se concentre sur la guerre asymétrique, le soutien aux milices et mouvements alliés dans la région, en utilisant souvent la stratégie de la "guerre par procuration", formant et finançant des groupes militants alignés sur ses intérêts (guerre proxys). Entre autres, le Hamas, le Hezbollah, Kataeb Hezbollah et le Jihad islamique Palestinien. La Force Al-Qods évite les engagements opérationnels de haute intensité, se contentant d’armer, et d’assister tactiquement : conseillers militaires, frappes ciblées depuis, les bases militaires aériennes d’appui à Shiraz, Tabriz, Dezful. Lors de la guerre en Irak, l’unité supervise le déploiement de projectiles formés exclusivement en Irak, qui ont représenté près de 20 % des décès au combat américains dans ce pays. Des forces locales jouent le rôle principal dans les phases de stabilisation et de normalisation post-conflits, comme en Irak ou en Syrie après la chute de l’Etat Islamique dans la région, notamment en octobre 2019, en laissant les Chahd Al-Chaabi, réprimer des manifestations à hauteur de 600 morts. La Force Al-Qods ne dispose pas de “cabinet civil” à la manière occidentale et ne contrôle pas directement les politiques locales, malgré le fait qu’elle instrumentalise l’idéologie chiite révolutionnaire.
Analyse tactique :
Passons maintenant à l’échelon tactique, les terres étant considérées comme occupées, la Force Al-Qods est connue pour son approche de guérilla, en utilisant des tactiques qui s'adaptent aux réalités changeantes des théâtres d'opérations dans lesquels elle est engagée. Par exemple, la Force est responsable de l’envoi d’armes aux Houthis yéménites, une de leurs proxy régionaux, qui ont adopté une stratégie de guerre larvée, lente, de guérilla sous conseil iranien. Ce conseil s’organise autour de cellules tactiques qui sont généralement petites, flexibles et capables de mener des opérations de renseignement, de sabotage, et d'assassinats ciblés. Les conseillers tactiques disposent d’une formation spécialisée en guerre urbaine et opérations de guérilla, un exemple intéressant étant la force d’élite du Hezbollah, la force Radwan, formée par des conseillers tactiques iraniens. Les effectifs et le soutien sont trouvés dans l’utilisation massive des liens socio-éco avec la diaspora chiite à l’international, surtout dans le “croissant chiite” (ref). La discrétion et la surprise sont des éléments clés de la doctrine tactique, avec une forte emphase sur l'adaptabilité et la réactivité aux changements du champ de bataille comme durant la bataille de Baïji et la reprise de la raffinerie locale sous commandement d’Al-Qods. Des unités spécifiques de la Force Al-Qods, comme les Unités 400, 190 et 1500, auraient été impliquées dans des activités telles que le transport et la logistique, le financement d’organisations armées locales (y compris le blanchiment d'argent et la contrebande de pétrole) et le contre-espionnage notamment contre les réseaux de l’Etat Islamique. Ces unités montrent une capacité à mener des opérations complexes couvrant un large éventail de missions militaires et non militaires. Ce modèle est illustré par l'intervention de la Force Al-Qods dans au moins six guerres au cours des trente dernières années, visant à promouvoir les objectifs de sécurité nationale de l'Iran, avec un motus operandi qui est identique.
Il semble, par ailleurs, que la Force Al-Qods cherche à étendre son influence sur la sphère sunnite, comme nous l’avons vu à travers le soutien au Hamas, mouvement à l’origine issu des Frères Musulmans. Or, si elle fut initialement présentée comme un mouvement pour tous les musulmans, la Révolution a été principalement portée et exportée par des réseaux chiites, ce qui a naturellement créé des tensions avec de nombreux sunnites. L'incapacité de la Révolution à s'exporter durablement hors des frontières iraniennes peut être attribuée à deux facteurs principaux. Premièrement, elle n'a pas réussi à transcender l'opposition historique entre chiisme et sunnisme, restant fortement ancrée dans les traditions et dans la diaspora chiite. Deuxièmement, en donnant une nouvelle dimension universaliste et radicale au chiisme, en mobilisant les communautés chiites à l'étranger tout en évitant des alliances structurées avec de grands mouvements islamistes sunnites, la Révolution a involontairement exacerbé le clivage entre les deux branches de l'islam. Cependant, il est important de nuancer cette affirmation, étant donné les liens d’alliance entretenus par l’Iran avec le Hamas, qui bénéficie d’une aide de la force Al-Qods, tant matérielle que d’expertise.
Conclusion :
La Force Al-Qods, en tant qu'élément central de la stratégie iranienne au Moyen-Orient, illustre la complexité et les nuances de la politique étrangère de l'Iran dans la région. Cette unité d'élite des Gardiens de la révolution islamique symbolise non seulement la projection de la puissance militaire iranienne, mais aussi l'exportation de son idéologie révolutionnaire chiite. L'ambition déclarée de l'Iran, comme l'exprimait l'Ayatollah Khomeini, est de propager la révolution islamique « dans le monde entier », transcendant ainsi les frontières traditionnelles de la nation.
La Force Al-Qods, sous la direction de figures comme Qassem Soleimani et Ismaël Qaani, a joué un rôle crucial dans des théâtres extérieurs variés, allant du soutien aux Kurdes en Irak à l'assistance au régime Assad en Syrie, en passant par l'influence dans les conflits au Liban, au Yémen et en Afghanistan. La stratégie de la Force Al-Qods ne se limite pas, cependant, à des opérations militaires conventionnelles, englobant également des activités de renseignement, de guerre économique et cybernétique, et un soutien aux milices et mouvements alliés dans la région.
Néanmoins, cette approche s'est heurtée à des obstacles significatifs. La division historique entre chiisme et sunnisme reste un facteur limitant l'expansion de l'influence iranienne, malgré les tentatives de transcender ces clivages. Les actions de la Force Al-Qods, bien qu'efficaces dans certains contextes, ont parfois exacerbé les tensions sectaires, en particulier dans les régions à majorité sunnite.
Dans un autre registre idéologique, Mao Zedong, un des maîtres de la guérilla moderne disait : “Les armes sont un facteur important dans la guerre mais pas un facteur décisif, c’est l’homme et non les matériaux qui comptent.” La force Al-Qods, a bien intégré cela, sa véritable force réside dans son expertise militaire et dans ses liens religieux, non pas dans son matériel. Ces méthodes indirectes pour influencer les conflits, reflètent une certaine stratégie maoiste en combattant de manière asymétrique contre des adversaires plus puissants, faisant de l’Iran un acteur incontournable dans la région.
P.S. : Nous n’avons pas pu dans cet article aborder, l’institution des Gardiens de la Révolution ou encore les dynamiques régionales à l'oeuvre entre différents États ou groupes. Nous vous renvoyons donc vers les articles de Raphälle Sarghad-Razavi sur les Gardiens de la Révolution ainsi que l’article traitant de l’Axe de la Résistance de Nael El Kihal.