Libye Post-Kadhafi: fractures internes et manœuvres géopolitiques.

Article de Salma DJAMIL.

Dans la nuit du 10 au 11 septembre, l'est de la Libye est frappé par la tempête Daniel. La rupture des barrages de Derna et de Mansour entraîne une inondation catastrophique et l’effondrement de quartiers entiers dans un pays distinctement dépourvu de gouvernement centralisé et d’option politique viable. La Libye est, en effet, partagée entre des gouvernements rivaux depuis la chute en 2011 du président Mouammar Kadhafi qui avait réussi à établir son “État des masses”(جماهيرية - Jamahiriya) en maintenant un équilibre délicat entre la préservation de l'autonomie locale des tribus libyennes d’un côté et un fort contrôle étatique de l’autre. Située à l'est du Maghreb, la Libye abrite 6,8 millions d’habitants se concentrant essentiellement sur le rivage méditerranéen où les rivalités persistent entre villes et tribus, consolidant la fragmentation perceptible du pays. Trois régions distinctes subdivisent alors le territoire libyen : au Nord-Ouest, la Tripolitaine abrite la capitale de Tripoli, ainsi que d'autres grandes villes à l’image de Misrata et Zawiya. Siège des principales institutions gouvernementales du pays, cette région densément peuplée possède des terres fertiles le long de la côte méditerranéenne. Au Sud-Ouest, le Fezzan libyen compose approximativement 10 % de la population du pays et dispose d'importantes nappes phréatiques tout en étant très riche en hydrocarbures. En parallèle, la Cyrénaïque arbore ses gisements de pétrole à l’Est et se présente comme une région largement stratégique, autrefois berceau de la révolution libyenne contre Kadhafi, aujourd’hui inévitablement contrôlée par le maréchal Haftar, commandant en chef de l'Armée nationale libyenne. Le “chaos libyen” qui caractérise aujourd’hui le pays fournit alors une illustration remarquable, servant à montrer la manière dont s'entremêlent les rivalités entre puissances étrangères sur fond d'alliances et de contre-alliances. A mesure que les équilibres de pouvoir sur le terrain s’établissent, les rapports de forces se basent sur les intérêts anticipés et espérés par les différents acteurs - internes et internationaux - impliqués, faisant de la Libye un théâtre d’affrontement ou de coopération à grande échelle. Comment les tensions internes et les influences internationales ont-elles ainsi conjointement généré et maintenu l'instabilité en Libye ?

Nous commencerons en premier lieu par aborder les dynamiques internes en Libye qui perpétuent la crise et servent de toile de fond à l'intervention d'acteurs étrangers. Par la suite, nous étudierons comment les puissances étrangères façonnent le conflit libyen en fonction de leurs intérêts géopolitiques et de leurs stratégies distinctes. Enfin, notre analyse se dirigera vers les initiatives de résolution du conflit et les limites inexorables auxquelles elles se heurtent.

1. Analyse des forces internes en conflit

Au crépuscule d'un règne de près de 42 ans, le nom de Mouammar Kadhafi résonnait avec une puissance singulière en Libye et bien au-delà de ses frontières. Pourtant, en février 2011, la chute du “Guide de la Révolution” sème les graines d’une crise libyenne longue et tenace. Une première guerre civile se dessine ainsi entre les forces loyalistes du gouvernement de Kadhafi et les groupes rebelles opposés à son régime : alors que le pouvoir intensifie sa répression des manifestants, les protestations évoluent rapidement vers une révolte armée et se matérialisent de manière concrète avec un Conseil national de transition (CNT) le 27 février 2011, ayant pour rôle de mettre en place des structures gouvernementales temporaires. Le 20 octobre 2011, avec la mort de Kadhafi, les révolutionnaires libyens célèbrent une victoire significative dans leur lutte acharnée. Les alliances tribales servent alors, au sein du conflit intra-étatique entre les loyalistes de Kadhafi et les insurgés, de véritables vecteurs de mobilisation pour chaque acteur : Kadhafi est appuyé par des tribus telles que les Qadhadhfa à laquelle il appartient tandis que les forces rebelles comprennent des membres de tribus telles que les Warfalla ou les Firjan, qui s'opposent au régime de Kadhafi et dont certains officiers sont directement tués par les Qadhadhfa au commencement du conflit. En parallèle des tensions et inimitiés tribales, une première élection démocratique en Libye désigne 200 membres du Congrès général national (CGN) pour remplacer le Conseil national de transition. Toutefois, le CGN fait rapidement face à des problèmes, en particulier liés à des milices qui refusent de déposer les armes et créent simultanément un contexte d’insécurité compliquant la situation économique du pays : entre juillet 2013 et juillet 2014, des groupes armés bloquent diverses installations pétrolières, faisant par conséquent diminuer la production de pétrole dont l’économie de la Libye dépend principalement. En outre, c’est au sein de cette conjoncture instable que la division de la Libye en deux, telle que nous la connaissons aujourd’hui, est impulsée : alors que les libyens doivent voter en juin 2014 en vue d'élire les membres de la Chambre des représentants, vouée à remplacer le Congrès général national, les libéraux l'emportent sur les islamistes, qui ne totalisent qu'une trentaine de sièges. Des membres du CGN n’ayant pas été réélus contestent dès lors la légitimité des résultats électoraux et remettent en place la CGN dans laquelle leur pouvoir était influent. D’un côté, le CGN est alors soutenu par des milices et des factions politiques de l'ouest de la Libye (Misrata, Touareg...) et est établi à Tripoli tandis que la Chambre des Représentants siège à Tobrouk : deux parlements distincts revendiquent chacun le contrôle légitime du pays. Parallèlement, l’organisation Etat Islamique profite aisément du chaos ambiant pour s’installer à Syrte, aux confins de chacune des deux grandes régions historiques que sont la Tripolitaine et la Cyrénaïque, et aux extrémités des deux pouvoirs rivaux de Tripoli et de Tobrouk. Simultanément, la coexistence de milices et de brigades aux intérêts divergents amène une dégradation de la situation sécuritaire dans l’est du pays, créant ainsi un contexte favorable pour l'ancien général Khalifa Haftar. En mai 2014, Haftar se proclame chef de l'Armée nationale libyenne (ANL) et lance une campagne militaire visant à éliminer les milices et les groupes djihadistes de Benghazi, marquant ainsi le début de l'Opération Karama, également connue sous le nom de "Dignité". Deux jours plus tard, les brigades de Zintan prennent le contrôle des bâtiments du Congrès Général National à Tripoli, et affirment leur allégeance à Haftar, marquant ainsi le début d’une deuxième guerre civile libyenne (2014-2020). S’étendant jusqu’à 2020, la guerre est marquée par les accords de Skhirat du 17 décembre 2015, reflétant la complexité intrinsèque du conflit. Sous l'égide des Nations Unies, ces accords prévoyaient la création d'un gouvernement d'union nationale avec un gouvernement de consensus et un conseil présidentiel composé de représentants des principales factions. Cependant, bien que les accords soient signés par les délégations du pouvoir de Tripoli et Tobrouk, ils cristallisent progressivement la fragmentation du pays : Faiez Sarraj, le premier ministre du Gouvernement d’Union National s’installe à Tripoli en avril 2016, mais la chambre des représentants de Tobrouk n’investit pas le gouvernement de Sarraj sous la pression du général Haftar qui se montre ainsi fossoyeur d’une potentielle unification du territoire libyen. Ce dernier, ancien membre des forces libyennes exilé aux États-Unis en 1987 en opposition au régime de Kadhafi, est aujourd’hui connu comme “L’homme fort de l’Est” et ses forces contrôlent une grande partie du pays depuis la partition de la Libye, au détriment du Gouvernement d’Union Nationale. En conséquence, la deuxième guerre civile libyenne prend fin en octobre 2020 mais n’interrompt pas les tensions entre le pouvoir de Tripoli et celui de Tobrouk, en particulier lorsqu’il s’agit de contrôler les ressources pétrolières du pays. En juillet 2023, Haftar menaçait par exemple de bloquer les terminaux pétroliers situés en Cyrénaïque du fait que les recettes de pétrole étaient gérées par la Banque centrale, basée à Tripoli, où se trouve le gouvernement d’unité nationale reconnu par l’ONU et dirigé par Abdelhamid Dbeibah. Ces mêmes ressources, sources de rivalités, sont aujourd’hui également convoitées par des milices et groupes armés qui alimentent continuellement les divisions internes et s’adonnent à des affrontements multiples, constituant alors un facteur de déstabilisation pour la région qui ralentit tout processus constitutionnel.

2. Tensions globales : enjeux politiques et géostratégiques internationaux

Par ailleurs, le morcellement du paysage politique et social profite aux différentes puissances étrangères, faisant de la “crise libyenne” un conflit civil internationalisé qui débute dès la chute de Kadhafi. Le 19 mars 2011, un mois après le début du printemps arabe libyen, plusieurs États membres de l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord (OTAN), parmi lesquels les États-Unis, la France et le Royaume Uni, lancent une campagne militaire contre Kadhafi sous la forme d'attaques aériennes et maritimes multiples. Cette dernière, orchestrée en vertu du principe de la « responsabilité à protéger des populations civiles », se transforme rapidement en intervention militaire visant le régime en place et laisse ainsi apparaître la recherche d’intérêts de tous les partis impliqués. Selon un rapport de la commission des affaires étrangères du Parlement britannique publié le 14 septembre 2016, Nicolas Sarkozy, prend la décision d’intervenir en Libye en 2011 dans le but, entre autres, d’« accroître l’influence française en Afrique du Nord » et « d’obtenir une plus grande part de la production de pétrole libyenne ». D’emblée, le “chaos libyen”se place à la croisée des ambitions globales de plusieurs puissances étrangères et sert donc leurs intérêts économiques, sécuritaires et politiques dans la région méditerranéenne, tout en dessinant pour elles un terrain d’affrontement opportun. La lutte d’influence entre le pouvoir du Gouvernement d’Unité National et celui du maréchal Haftar est, par conséquent, exacerbée par l'engagement de plusieurs puissances étrangères : le premier bénéficie principalement de l’appui de la Turquie et du Qatar tandis que le deuxième est soutenu par l'Égypte, les Émirats arabes unis, ou encore la Russie. Pour les autorités turques, il s’agit avant tout de développer des liens avec l’Afrique du Nord afin d’assurer la sécurisation des liaisons aériennes et navales turques dans l’espace méditerranéen, bien au-delà de la mer Égée. Cette stratégie de "dés-enfermement" adoptée par la Turquie, en particulier par sa marine, s'aligne avec les objectifs énergétiques du pays : dans son effort soutenu pour devenir un acteur clé de la distribution des ressources énergétiques en Méditerranée, la Turquie n'hésite pas à aider le gouvernement de Tripoli à repousser, en particulier à partir de 2019, l’offensive menée par les forces de Haftar. En contrepartie, la Libye et la Turquie signent un accord de prospection d'hydrocarbures dans les eaux libyennes en 2022, dans la continuité d’un premier accord de délimitation maritime signé en 2019 qui donnait à la Turquie l’accès à des zones économiques revendiquées par la Grèce et par Chypre.

Simultanément, la “guerre froide” entre Ankara et le Caire se développe sur le terrain libyen. D’une part, les relations entre les deux pays sont conflictuelles depuis le renversement du président Mohamed Morsi, issu des Frères Musulmans, organisation qui entretenait des liens étroits avec le Parti de la justice et du développement (AKP) du président Recep Tayyip Erdoğan. D’autre part, alors que la Turquie exprime un soutien tenace au gouvernement de Tripoli, l’Egypte se révèle être un véritable allié pour les forces de Haftar, hostiles aux Frères Musulmans. Elle tente ainsi de satisfaire ses intérêts sécuritaires en empêchant l’essor et la prolifération de formations et de milices islamistes chez son voisin libyen en vue de sécuriser sa longue et poreuse frontière avec la Libye (1 115 km) contre l’infiltration d’activités islamistes. En outre, sur l'échiquier géopolitique libyen, la Russie s’aligne avec l’Armée nationale de Haftar et déploie une stratégie subtile, visant à affirmer son influence tant en Afrique qu'en Méditerranée, au détriment des pays occidentaux. En Libye, la Russie tisse ainsi sa toile, en cherchant à consolider un réseau d'influence, projetant par la même occasion son ombre sur des régions stratégiquement vitales par l’intermédiaire de sociétés militaires privées, au premier rang desquelles le groupe Wagner. Le contrôle du pétrole de la région est, par ailleurs, un enjeu de taille pour la Russie. Rosneft, deuxième compagnie pétrolière russe, avait déjà noué des accords avec la National Oil Corporation libyenne en 2017 et la Russie espérait dès lors accroître sa force de coercition sur l’Europe par le biais de ses nombreux investissements dans les hydrocarbures présents en Libye et concurrencer par conséquent les puissances occidentales.

De leur côté, les monarchies du Golfe se livrent également à un jeu d’influence : le Qatar s’oppose, en Libye, aux puissances régionales rivales comme l'Arabie Saoudite et les Emirats Arabes Unis. Au sein de la coalition internationale coordonnée par l'OTAN en 2011, le Qatar est le seul Etat arabe, avec les Emirats arabes unis, à participer à l'intervention militaire, ce qui lui permet de renforcer, de manière considérable et symbolique, ses liens diplomatiques avec certaines puissances occidentales. Aux côtés de la Turquie, il s’allie progressivement au Gouvernement d’Union Nationale (GNA) face au soutien opiniâtre des EAU et de l’Arabie Saoudite au maréchal Haftar, qui cherchent avant tout à contrer l'influence des groupes islamistes en Libye. Le conflit entre le Qatar et le bloc saoudo-émirati, enraciné dans des différences idéologiques et des visions concurrentes de l'ordre régional laisse ainsi penser que la situation en Libye est devenue une vraisemblable extension des rivalités géopolitiques de la région MENA. En outre, la présence de puissances régionales a minimisé l’influence des puissancesoccidentalessurleterritoirelibyen,enparticulieraprèslesoutienturquede2019 au Gouvernement d’Unité National. Toutefois, la France et l’Italie ont su être actifs dans la crise libyenne car principalement motivés par des considérations de sécurité, de migrations et d’intérêts économiques, notamment dans le secteur de l'énergie. Leurs relations sont néanmoins marquées par des discordes importantes, en particulier au sujet de l’intervention en Libye de 2011 et son corollaire, ainsi que sur la crise migratoire qui, en amplifiant les rivalités régionales, ne font qu'aggraver l'instabilité et le fractionnement déjà prévalents en Libye.

3. Efforts de résolution et freins inéluctables

La situation en Libye, ainsi marquée par sa société divisée, le pouvoir prédominant des milices armées, l'absence d'institutions étatiques fortes et unanimes, et une tendance des acteurs à favoriser le statu quo au milieu d'un enchevêtrement d'intérêts privés souvent en contradiction avec le bien commun, rend la progression vers une réconciliation politique particulièrement difficile. Les rivalités multiples érigent la résolution du conflit libyen en enjeu complexe et multidimensionnel, ayant néanmoins vu une multitude d'initiatives se déployer au cours de la dernière décennie. L'une des premières grandes avancées est, sans conteste, l'Accord de Skhirat de 2015 négocié sous l'égide des Nations Unies. Véritable cadre de référence, l’accord est perçu lors du trente et unième sommet arabe de 2022 comme un fondement essentiel pour établir une base constitutionnelle en préparation des élections présidentielles et législatives en Libye. Établissant une structure de gouvernance comprenant un Conseil présidentiel, un gouvernement et un parlement unifié en vue de réunir les différentes factions politiques et militaires de Libye, l’accord consolide cependant la division entre deux grandes autorités rivales et se heurte à une impasse. Dans la continuité onusienne, un cessez-le-feu est annoncé en octobre 2020 afin de mettre fin à la deuxième guerre civile libyenne et une “Commission Militaire Mixte 5+5” comprenant 5 membres du gouvernement libyen dit légitime et 5 autres membres de la milice du général Haftar est créée. La route vers une paix durable et soutenable reste perceptiblement jonchée de défis et nécessite un engagement continu et coordonné des parties libyennes et de la communauté internationale. La crise humanitaire majeure engendrée par “le chaos libyen” a non seulement entraîné des pertes civiles élevées conjuguées à des déplacements massifs à travers le pays et des flux migratoires multiples, mais a également débouché sur de sérieuses restrictions des libertés individuelles pour les individus ayant survécu. Il devient ainsi essentiel d'examiner de manière approfondie et critique le rôle de l'ONU en Libye, en envisageant de nouvelles approches pour sa médiation, qui, pour l’instant, a continuellement chercher à établir un consensus semblant pourtant illusoire. À ce jour, aucun gouvernement libyen, que ce soit dans l'est ou dans l'ouest du pays, y compris le Gouvernement d'Accord National (GNA) soutenu internationalement, n'a été capable d'étendre efficacement son contrôle sur l'intégralité du territoire national car confronté à la difficulté de gérer les milices armées qui exercent une influence spatiale considérable. En outre, dans le cas hypothétique où un gouvernement totalement unifié serait établi par l’intermédiaire de la communauté internationale, il lui faudrait unifier un pays profondément divisé, réconcilier les citoyens, désarmer les milices, relancer l'économie et prendre en considération le facteur tribal dans son plan de réunification . Dans un contexte où la culture politique est encore en développement, l'influence et la contribution des tribus ont souvent été minimisées, voire négligées : une réévaluation du rôle des tribus dans la médiation politique et une révision du processus de transition en Libye apparaissent ainsi comme fondamentaux et nécessitent une compréhension approfondie de la structure sociale unique de la Libye. Imprégnée de traditions et enracinée dans un riche héritage tribal, la société libyenne se déploie dans un tissu social et culturel qui contraste fortement avec les contours des sociétés occidentales ayant tenté d’appliquer «une démocratisation par la guerre », se manifestant aujourd’hui comme une erreur stratégique majeure principalement motivée par des objectifs économiques et géostratégiques. Dès lors, l’échec à résoudre les tensions inhérentes à la situation politique libyenne ont aggravé en septembre 2023 l’impact de la catastrophe à Derna : le conflit prolongé en Libye a souvent conduit à une négligence de l'infrastructure essentielle, y compris des systèmes de drainage et de gestion des eaux et il demeure ainsi difficile d'établir un système préventif efficace pour le peuple libyen dans un pays où la gouvernance reste le fruit de rapports de forces et de concessions.

En somme, la Libye apparaît aujourd’hui comme un État privé de gouvernance centralisée, inévitablement marqué par les conséquences tragiques d'un conflit prolongé, où les dynamiques internes se mêlent à des influences plus larges et aux ambitions internationales. La fragmentation du paysage politique libyen, exacerbée par les intérêts divergents des puissances régionales et mondiales, complique davantage la tâche de bâtir un avenir uni et prospère pour la Libye et l'échec des initiatives de résolution du conflit témoigne de la complexité de la situation : le pays est aujourd’hui tiraillé entre des tensions perpétuelles et les défis d'une nation moderne. La dualité du pouvoir entre le Gouvernement d'Union Nationale à Tripoli et les forces de Haftar à l'Est, alimentée par des divergences tribales et idéologiques, a cristallisé une fracture profonde au sein du pays. D'un côté, la situation interne complexe, caractérisée par la coexistence de multiples milices et factions, a perpétué un état de division et d'instabilité. De l'autre, l'intervention de puissances étrangères, chacune guidée par ses propres intérêts stratégiques, économiques et politiques, a exacerbé cette séparation et internationalisé le conflit. La Libye, riche en ressources pétrolières, s'est assurément transformée en un terrain de lutte d'influence où se confrontent non seulement des acteurs régionaux comme la Turquie, l'Égypte, et les pays du Golfe, mais aussi des puissances globales à l’image de la Russie et des pays occidentaux, disposant d’intérêts significatifs en terre libyenne. Ces interventions extérieures, tout en prétendant soutenir la stabilité, ont souvent amplifié les tensions et entravé les efforts de résolution pacifique du conflit. De surcroît, la reconstruction et le développement économique, essentiels à une stabilisation à longue portée n’ont pas pu être assurés par les divers efforts des instances de sécurité collective : les initiatives, bien que prometteuses en théorie, ont toutefois souvent été entravées dans leur mise en œuvre. La solution durable à la crise libyenne exige donc une approche holistique, reconnaissant et traitant à la fois les causes internes et les dimensions externes du conflit. Inspirée par les résonances du Printemps arabe, période où l’on clamait haut et fort “La dignité avant le pain”, une approche holistique nous rappelle que la crise libyenne transcende la simple question de gouvernance politique ou de contrôle des ressources : au-delà des enjeux politiques et stratégiques multiples, une lutte continue pour la restauration de la dignité humaine et le respect total de droits inaliénables.

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